Ghideon Posté(e) le 31 mars 2019 Partager Posté(e) le 31 mars 2019 -&- Terre-Morne, feu et cendres -&- Republication du roleplay de la destruction du Pénitencier de Terre-Morne. Roleplay écrit par Pencroff en 2018. Terre-Morne. Un bâtiment gris, grossier, fait de grosses pierres carrées posées en un damier strictement symétrique. Des barreaux de fer, froids... et un toit de tuiles noires. Pas d'ornement, pas de décoration... Pas de bruit non plus, sinon le faible clapotis des flaques dans lesquelles la pluie tombe, et le tintement des havresacs des quelques gardes en patrouille sur les créneaux. Un ciel gris et maussade, une brume froide rasant les eaux du lac... et au milieu du tableau, cette grande bâtisse sans charme qui se dresse comme une île dans toute sa solitude. Cette grande bâtisse, sinistre; qui ne s'ouvre sur le reste du monde que par sa grande porte-herse, au dessus de laquelle on peut lire "pénitencier". Voilà comment un spectateur, un curieux, aurait sans doute décrit la prison pour mages noirs de Terre-Morne. Mais en ces lieux si reculés de l'empire, dans cette contrée si éloignée de toute vie... de spectateurs il n'y eut jamais eu. En dehors de gardes, muets comme des tombes et graves dans l'accomplissement de leur besogne; rares sont ceux qui quittent un jour Terre-Morne, et jamais aucun de ces quelques chanceux ne s'était décidé à faire le récit de la vie sur place. Peut-être était-ce, simplement, parce qu'au fond il n'y avait pas grand chose à dire. Les jours y passent, se suivent et se ressemblent; la même routine, froide et étouffante, se répète inlassablement; comme si le temps avait cessé de s'écouler... Comme si, en fait, le temps n'avait jamais existé. C'est par un jour comme ceux-ci que commence notre histoire. Un jour sans véritable début, mais qui, pour la première fois dans l'histoire de la prison, allait connaitre une fin. La pluie tombait, encore une fois, inondant la cour de la prison et interdisant toute sortie et toute promenade. Les prisonniers, des mages noirs arrêtés pour la sauvegarde de l'empire, étaient cantonnés dans leurs cellules. On comptait parmi eux divers niveaux de dangerosité, allant des très puissants mages nécromanciens et autres chefs de cultes démoniaques, aux petits guérisseurs locaux qui avaient été arrêtés au nom du salut publique, injustement dira-t-on plus tard. On avait, pour les empêcher de déployer leurs pouvoirs, couvert la prison d'un puissant sortilège qui interdisait toute magie dans l'enceinte du bâtiment, et dans un certain rayon autour de ses murs extérieurs. Les mages, privés de leurs enchantements, étaient réduits à la plus profonde impuissance. Quand à la possibilité d'un intervention extérieure visant à les faire évader, elle avait été balayée par la situation insulaire du pénitencier, qui, siégeant au milieux d'un lac, était pensait-on facilement défendable. Les mages étaient donc cloîtrés dans leurs cellules respectives, les plus chanceux d'entre eux observant la pluie tomber depuis leur fenêtres, tandis que les plus endurcis moisissaient dans les caves humides, où l'eau de pluie venait se perdre à travers les fissures des plafonds. Les gardes, eux, poursuivaient leurs rondes, imperturbables; comme des automates parcourant les coursives et les créneaux, à l’affût de la moindre anomalie. La pluie glissait sur eux comme une simple bruine, ils ne s'abritaient ni des vents, ni du froid glacial, ni des trombes d'eau... Ils marchaient d'un pas lent et strictement cadencé, réglés comme des horloges... Une fois leur tour fini, ils rejoignaient le poste de commandement pour y faire leur rapport au sous-lieutenant de la compagnie, et repartaient, inlassablement, parcourir les chemins de ronde. Le jour passa ainsi, encore une fois, sous la grisaille et les bourrasques; et la nuit n'allait pas tarder à obscurcir l'horizon. Dans le poste de commandement où il avait siégé toute la journée pour recevoir les rapports de ses hommes, le sous-lieutenant Fauche, officier commandant la 4e compagnie du 2e bataillon de chasseurs du 1er régiment d'infanterie; faisait les cent pas. Ses documents étaient soigneusement triés, et il s'affairait lui même à préparer la place pour le sous-lieutenant qui allait le relever dans quelques minutes. Lorsque son camarade allait arriver, il n'aurait qu'à lui remettre les horaires de patrouille de son quart, et ils pourraient enfin, ses hommes et lui, aller se coucher. Du moins, c'est ainsi qu'il aurait aimé que les choses se passent. Un bruit étrange attira l'attention de Fauche. Un bruissement feutré, presque inaudible... Mais qui sortait de l'ordinaire monotone des lieux. Fauche s'approcha de la fenêtre, depuis laquelle il pouvait observer les murailles et les chemins de rondes. Il s'arrêta un instant pour observer, malgré la pluie battante qui réduisait drastiquement la visibilité. Sur le chemin de ronde, en contrebas, il décela alors une forme opaque, sombre, couchée sous la pluie... Il s'approcha du carreau de verre, essuya d'une main la buée que opacifiait son champ de vision, et comprit alors qu'il s'agissait du corps inerte d'un des gardes. Il fit un pas en arrière, esquissa un mouvement pour s'éloigner de la vitre; quand une formidable explosion lui souffla le verre au visage, et le projeta en arrière. En une demi-seconde, la pièce fut remplie d'éclats de bois, de verre et de pierre en suspension dans l'espace. Le corps de Fauche traversa la pièce et vint s'écraser lourdement sur son bureau. Les charpentes craquèrent, les murs de la pièce se décelèrent, et le plancher céda sous le choc; effondrant l'étage au moment où les combles se remplirent de flammes monstrueuses. Quand Fauche ouvrit les yeux, il était allongé, les bras en croix, sur les restes brisés de son bureau. Tout en lui était endolori, ses deux oreilles sifflaient et il lui fallut plusieurs longues secondes pour que sa vision s'éclaircisse. D'épaisses volutes de fumée remplissaient la pièce, et lui brûlaient la gorge et les poumons; mais il lui semblait ne pas être plus blessé que cela. Il parvint, tant bien que mal, à se mettre debout sur ses jambes, et se dirigea en titubant vers un trou béant qui avait été ouvert dans le mur par l'explosion. Il se traîna sur les pierres, escalada l'enchevêtrement de poutres brisées et de planches; et acheva de s'extraire des ruines. Il se retrouva dans la cour principale, toujours plus ou moins assourdi par le sifflement aigu des acouphènes; et s'arrêta un instant pour observer ce qui l'entourait. Le mur d'enceinte principal, celui qui isolait la prison du reste du monde, avait été éventré. Les corps de plusieurs gardes gisaient dans les débris, la plupart visiblement sans vie... parmi eux, Fauche reconnut celui de l'officier qui était chargé de le relever. Il tituba, perdu, au milieu des décombres. Le sifflement qui résonnait dans ses oreilles était devenu un vrombissement infernal, de plus en plus fort, comme si ses tympans allaient entrer en éruption. Puis, petit à petit, l'ouïe commença à lui revenir. Par bribes, d'abord, puis complètement, il se mit à entendre les cris des gardes et de la clameur des prisonniers. Un soldat, le visage maculé de sang, se mit à courir dans sa direction; suivi de plusieurs autres. - Mon lieutenant ! Qu'est ce qu'on fait mon lieutenant ? Fauche se tenait la tête, comme pour l'empêcher de rompre. Le bourdonnement cessa, et il se redressa au milieu du petit groupe de soldats qui s'était rassemblé autour de lui. - Le Capitaine ? Où est-il ? - Il est mort, mon lieutenant ! - L'Officier en second, où il est ? - J'en sais rien mon lieutenant ! Et le sous-lieutenant Martineau a été tué en venant vous trouver ! Une seconde explosion coupa net la conversation. Un boulet d'obusier, chargé de mitraille, venait d'atteindre la façade de la prison. Les éclats de métal vinrent ricocher dans la cour, fauchant deux soldats qui tentaient de se mettre à couvert. Plus rien n'isolait le pénitencier du monde extérieur, et il était à craindre que l'on ne tente de l'envahir pour en libérer les prisonniers. Le sous-lieutenant, comprenant qu'il était sans doute le dernier officier en vie, compta alors les hommes autour de lui. Puis, constatant qu'ils n'étaient, à eux tous, plus que vingt-cinq; il se tourna vers la brèche qui avait été faite dans le mur d'enceinte. - Ils ont fait une percée ! Ils vont tenter de l'exploiter, prenez position là bas ! - Bien mon lieutenant ! répondirent les soldats en chœur. Fauche dégaina son sabre, et courut en direction du trou béant qui fendait le mur. Un tas de gravats et de roches en fermait partiellement l'accès, et protégeait les défenseurs qui pouvaient se déployer en contrebas. Un autre boulet d'obusier éclata sur la prison, mais les soldats s'étaient éloignés du bâtiment principal et se préparaient maintenant à recevoir leurs visiteurs. Fauche, qui se tenait en face de l'ouverture, en bas du tas de débris; attendait fébrilement, tendant l'oreille. - Préparez vous à vous défendre ! Pour la gloire ! Hurla-t-il à ses hommes, qui achevaient de visser leurs baïonnettes à leurs mousquets. Pendant une minute, plusieurs boulets tombèrent encore dans la cour, sans faire de victime parmi les gardes qui s'étaient mis à couvert le long du mur. Collés aux barreaux de leurs fenêtres, les prisonniers hurlaient, appelant de tout leur souffle; exaltant leurs libérateurs à venir les chercher. Pour toute réponse, un dernier boulet vint s'écraser sur le mur; effondrant une partie de la façade en emportant deux détenus qui vinrent s'écraser lourdement dans la cour. Les hurlements cessèrent... Pour reprendre, une seconde plus tard, du coté extérieur de la muraille. Puis, du haut de la clameur, comme si il était né des cris de ses partisans, un homme se dressa sur le tas de décombres qui obstruait la brèche vers la prison. Du sommet de sa montagne de gravats et de pierres enchevêtrées, dominant ce qui allait devenir son champ de bataille; l'homme semblait jauger ses adversaires. Tournant le dos au soleil qui, se couchant, l'enlaçait d'un halo rouge; il n'apparaissant aux soldats que comme une ombre aux formes étranges, aux contours abstraits. D'un geste lent, il leva son bras; déclenchant immédiatement de vifs cris de guerre autour de lui. Puis, tendant une main libératrice vers les prisonniers; il prit une grande inspiration et assura ses appuis pour pousser un dernier hurlement martial... Une balle lui traversa le crane, et son corps sans vie dégringola de la pile de pierres. Au pied des décombres, un soldat rechargeait nonchalamment son mousquet. - Il était là depuis une minute et j'en avais déjà marre de lui. Allons tuer cette bande de sacs, dit-il. - En avant ! Hurla Fauche. - En avant ! Hurla une voix de l'autre coté du mur Et les deux groupes, assaillants et assaillis, se ruèrent les uns sur les autres dans une mêlée sans merci, pour le contrôle de ce monticule de débris qui représentait le seul accès praticable vers la prison. Fauche, en tête, sabre au clair; fut le premier arrivé en haut. À son grand malheur, il ne put que constater l'écrasante supériorité numérique de ses ennemis. Devant lui, une marée demi-humaine se ruait vers la brèche, chargeant vers la prison. Lui et ses hommes étaient le dernier obstacle sur leur route, un obstacle fait d'une vingtaine d'humains, un obstacle fait de chaire et d'os... Mais ce maigre obstacle, si dérisoire qu'il fut, était le dépositaire d'une mission. La garde lui était confiée de cette petite parcelle de terre, et ils seraient tous morts avant d'avoir jamais cédé. En serrant les dents, Fauche enfonça son sabre dans le torse du premier assaillant à sa portée. Tournant sa lame d'une main, il dégaina son pistolet à silex de l'autre, et fit sauter le crâne d'un de ses adversaires. Il posa son pied sur le visage de l'homme dans lequel son sabre était encore enfoncé, et tira de toutes ses forces pour l'en dégager. À l'instant ou la lame quitta le corps sans vie, un assaillant se jeta sur lui, levant une lourde masse au dessus de sa tête. In Extremis, un des soldats enfonça sa baïonnette dans le flanc de l'homme qui se replia immédiatement en poussant un soupir de douleur. Les coups de mousquets claquaient autour du sous-lieutenant qui faisait danser sa lame, dont le fil venait ouvrir les peaux et fendre les veines de tous ceux qui avaient le mauvais goût de s'approcher. Bien qu'encore très nombreux à l'extérieur des murs, les rangs des assaillants qui avaient entrepris l'ascension des décombres commençaient à s'éclaircir. La première vague, gênée dans sa progression par la chute des cadavres qui dévalaient la pente, avait été refoulée. L'ennemi se rassembla en contrebas, et Fauche, qui s'était lui même reculé; entrevit dans la cour un salut inespéré. En effet, récupéré parmi les débris des créneaux et remis en batterie par deux artilleurs; un canon de huit livres avait été disposé face à la brèche. La pièce, chargée à la grenaille; n'allait pouvoir tirer qu'un coup, Fauche le savait. Aussi allait-il falloir l'utiliser avec réserve. - Attendez mon ordre ! Vous autres, sur les cotés, ne tirez que quand ils sont à portée ! cria-t-il. Et déjà, sur le monticule, de nouveaux cris se faisaient entendre. Fauche rechargea son pistolet, salua ses hommes, et se mit en position. Il savait, au fond de lui, que la prison ne pourrait pas être tenue... Mais il savait que dans ce cas précis, il lui resterait une disposition à prendre; il avait encore un joker dans la manche. Les premiers assaillants firent leur apparition dans l'ouverture des murailles, bientôt suivis de dizaines d'autres. Arrivés au sommet, voyant que l'autre versant leur était libre, ils se ruèrent en bas en hurlant sans prêter la moindre attention à ce qui les attendait dans la cour. Grave erreur, et grand mal leur en fit car ils se retrouvèrent sous un feu de salve nourrie, qui coucha d'un seul souffle la moitié d'entre eux comme de vulgaires quilles. Les survivants, étourdis, ne tardèrent pas à sentir le métal froid des baïonnettes leur chatouiller les flancs... métaphore feutrée pour dire qu'ils se firent émonder comme de vulgaires poissons. Mais alors que les soldats, qui venaient de décharger leurs fusils, étaient encore affairés à embrocher cette seconde vague d'adversaires; une troisième vague apparaissait déjà au sommet du monticule. Les gardes eurent tout juste le temps de se retirer sur les cotés du mur, dégageant ainsi la voie aux nouveaux attaquants, qui se ruèrent à leur tour dans l'enceinte des murailles. Les mousquets n'ayant pus être rechargés à temps, c'est le canon qui commença sa besogne. - Feu ! Hurla Fauche. Et un bruyant coup de tonnerre résonna dans toute la cour, tandis qu'une gerbe de feu et d'étincelles illumina la bouche du canon; vomissant d'un seul coup un essaim mortel de billes de plomb incandescentes sur les malheureux attaquants. Tout ce qui se trouva face à la pièce fut réduit en charpie, coupé en deux... en trois parfois. Des billes de plomb ricochèrent sur les pierres des murailles en fusèrent dans le ciel en sifflant, laissant derrière elles une fine traînée rougeâtre. En haut du mur, déjà, une quatrième vague s'était formée. La mort brutale de leurs camarades sembla refroidir un instant leurs ardeurs, mais ils comprirent rapidement que le canon avait poussé son chant du cygne. Les soldats avaient pu recharger, mais cela ne découragea pas les assaillants qui se lancèrent à nouveau à l'assaut de la cour. Cette fois, seulement, ce fut un flot continu d'hommes et de femmes qui descendit le monticule. Si le feu des mousquets suffit à faire tomber les premiers rangs; la lutte s'engagea rapidement au corps à corps, à corps perdu. Les baïonnettes jouèrent leur rôle à merveille, tenant à distance une partie des attaquants; mais cela ne pouvait plus suffirent. Les soldats en vinrent rapidement à se battre à coups de crosse, de poing, de pavés... Et les premiers défenseurs commencèrent à tomber. Fauche et ses hommes reculaient vers le bâtiment, faisant volte-face à leurs adversaires, qui les pressaient de plus en plus. Bientôt, ils se retrouvèrent dos au mur, à quinze, ils se battaient alors à un contre dix. Les soldats se replièrent, à reculons, vers la seule porte qui s'ouvrait sur l'intérieur de la prison. Un sergent ouvrit la porte, laissa passer le sous-lieutenant, et referma derrière lui sans même chercher à se sauver. Les deux hommes, muets, échangèrent un regard à travers les barreaux; et Fauche disparut dans dans l'ombre, laissant à ses hommes la charge de retarder les assaillants. Bientôt, les rares soldats encore en vie qui faisaient bouclier de leurs corps pour défendre cette petite porte furent massacrés. Les assaillants, enragés, arrivèrent donc devant cette petite ouverture sur l'intérieur de la prison; but de leur attaque. A force de pieds de biche, de pics et d'un peu d'explosifs; ils firent sauter les verrous; et s'élancèrent dans le bâtiment. Devant eux, un long couloir vide s'étendait vers un escalier à leur droite, et le bâtiment principal à leur gauche. Se formèrent alors deux groupes: les uns accourant à gauche vers les cellules pour libérer, enfin, les prisonniers; les autres dévalant, à droite, les escaliers pour atteindre les sous-sols de la prison. Si dans le bâtiment principal, on entendit rapidement les premiers hourras et les premiers cris des prisonniers acclamant leurs libérateurs; la progression des attaquants partis reconnaître les caves fut bien plus silencieuse. S'enfonçant toujours plus profond dans le sol, descendant par cet interminable escalier, le groupe se fragmentait à chaque étage qu'il croisait, laissant des hommes sur place en fouiller les moindres recoins. La descente fut longue, et lorsque la colonne arriva en bas de l'escalier, il se fit un silence complet pendant lequel ils restèrent immobiles, laissant leur yeux s'habituer à l'obscurité. Un long couloir, sombre, humide, froid et silencieux s'ouvrait devant eux. Une vision infernale d'oubliettes sales, aux murs jalonnés de portes de métal rouillées aux barreaux tordus. Les assaillants, bien que refroidis par le spectacle, reprirent leur progression. Ils marchaient, lentement maintenant, prenant le temps de s'arrêter à chaque porte, ne trouvant à chaque fois que le corps décrépi d'un pauvre damné que l'on avait envoyé mourir dans ce purgatoire. Soudain, au bout du couloir, une faible lueur attira leur attention. Une maigre flamme, mourante, semblait projeter sur un mur son rougeoiement las. Puis, dans l'encadrement d'une porte ouverte qui leur était restée invisible dans le noir, ils aperçurent une silhouette, farouche, qui semblait les fuir; s'enfonçant un peu plus dans les entrailles de la prison. Comme un seul homme, la troupe se lança à la poursuite de cette apparition. Tous prirent le pas de course, et plus aucun d'entre eux ne s'attarda plus à lorgner dans les portes rouillées. Plus personne, du reste, ne couvrait plus leurs arrières. Et si il y en eut un, qui, par hasard, l'avait fait; il aurait pu constater que la petite porte par laquelle tout le groupe s'était engouffré était désormais fermée... Ils passèrent ainsi plusieurs lourdes portes, croyant à chaque fois se rapprocher de la lueur, s'enfonçant à chaque fois un peu plus vers le centre de la prison. Enfin, ils se trouvèrent devant une dernière porte, différente; plus lourde et plus grande que les précédentes... Dans l'encadrement de cette porte, ils purent apercevoir une grande pièce au centre de laquelle se tenait un homme, entouré du halo rouge que sa torche presque éteinte projetait sur lui. Les plus hardis d'entre eux, les moins prudents peut-être; ne s'arrêtèrent pas et entrèrent en trombe dans la salle. Dix hommes passèrent par l'embrasure; quand le son métallique d'un mécanisme grinçant se fit entendre. Derrière eux, une lourde plaque de plomb, retenue par des poulies, retomba d'un coup pour clore l'accès à la pièce, écrasant au passage un des pauvres bougres qui se trouvait sous le chambranle. L'homme fut broyé dans un craquement sinistre qui résonna dans les oreilles de ses camarades, qui, s'étant retournés pour voir d'où venait le bruit, assistèrent impuissants au spectacle. Ils devinrent livides, de voir leur ami mourir de manière si brutale d'abord, et de comprendre ensuite qu'ils venaient d'être bernés; et qu'ils étaient tous tombés dans un piège mortel. Un rire bruyant résonna derrière eux... Fauche, tenant la torche rougeoyante d'une main, riait aux éclats. Son visage, couvert de sang et déchiré d'une balafre atroce; était illuminé par un sourire sinistre qui laissait paraître ses dents blanches. Ses yeux étaient noirs tant ses pupilles étaient dilatées. Il n'était pas désemparé de se trouver seul face à dix hommes, il n'était pas abattu, il n'était pas terrorisé... il était euphorique. le plus éclairé des assaillants comprit alors qu'ils n'avaient été que les acteurs involontaires d'un scénario terrible : celui de leur propre perte. Voulant sauver les prisonniers de Terre-Morne, la plupart des mages noirs et des criminels en fuite s'étaient portés volontaires pour cette attaque... En somme, la plupart des mages noirs qui avaient échappé à terre-morne s'y étaient finalement tous rendus d'eux mêmes... et ils se trouvaient à présent devant leur bourreau. A l'étage, les cris de joie continuaient de résonner dans toute la prison. Tous les mages noirs réunis riaient et criaient leur joie de se voir libérés de leurs chaines... Ils ne savaient pas. Sous le bâtiment principal, dans une immense salle souterraine dont la voûte montait jusque sous les cellules, plusieurs centaines de barils étaient empilés... des barils de poudre bien sûr, mais aussi d'étranges récipients qui contenaient les éléments nécessaires à la confection d'un feu grégeois. Une étrange vapeur monta aux narines des assaillants, et ils comprirent trop tard que le sol sur lequel ils marchaient ne luisait pas de l'humidité régnant dans les lieux mais était en vérité couvert d'alcool pur. Tous les regards, craintifs cette fois; se tournèrent vers le maître des lieux, celui qui s'était joué d'eux depuis le début et qui allait, fatalement, décider de leur destin commun. Fauche les toisait, il ne riait plus, il avait une mission... La torche toucha le sol, et la petite flamme mourante, au contacte de l'alcool; embrasa toute la pièce. Depuis le sommet d'une colline, à cinq cent cubes de la prison; trois hommes observaient la bataille à la jumelle. Devant eux, en lieux et place du pénitencier; une boule de feu immense embrasa la ligne d'horizon. Un nuage incandescent monta dans le ciel, comme si l'air ambiant était entré en fusion. D'immenses blocs de roche et de pierre volèrent en éclat et retombèrent lourdement; des débris en flammes virent incendier les forets autour de la prison... le chaos s'empara des abords de terre-morne; et de l'épaisse fumée noire qui émanait des ruines en flammes; la nuit se fit sur la région. - Mission accomplie, Maréchal. - J'ai des yeux, général Zorn... Je dois reconnaître que votre idée a présenté des résultats plus que satisfaisants. - Que fait-on des survivants ? Dois-je lancer les dragons les prendre en chasse ? - Je doute que ce soit nécessaire, Général Thalkion... Messieurs, en selle ! Nous avons du travail. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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